Les Français et la langue anglaise

Les Français et la langue anglaise

On dit souvent que les Français et les Anglais sont “meilleurs ennemis”. Une relation haine-amour qui remonte à plusieurs siècles : l’invasion de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant en 1066, la guerre de Cent Ans (1337-1453), la mise à mort de Jeanne d’Arc en 1431, la bataille de Waterloo en 1815 ou encore la crise de Fachoda en 1898, autant d’événements qui font qu’aujourd’hui encore, on parle de l’Angleterre comme de la Perfide Albion, on affuble ses habitants du sympathique nom de “rosbeefs”, ce à quoi ils rétorquent en nous appelant “frogs”. En outre, nous Français sommes convaincus que l’Anglais typique met de la crème chantilly sur sa viande, ne jure que par Lady Di et boit des litres de bière lorsqu’il ne passe des heures à tondre son jardin. En contrepartie, nous sommes perçus par les Britanniques comme des êtres arrogants, sales et infidèles, toujours en grève et ne nous nourrissant que de grenouilles et d’escargots, matin, midi et soir !

Malgré ces nombreux clichés, France et Angleterre sont profondément liés par un certain nombre d’aspects et les échanges entre “frogs” et “rosbeefs” n’ont jamais été si prospères. De plus en plus de Britanniques choisissent la France pour y passer leur retraite ou leurs vacances, près de 700 000 d’entre eux y possédant une résidence secondaire. Parallèlement, en 2012 on comptait environ 250 000 Français expatriés en Angleterre. Des chiffres qui ne cessent de croître avec les programmes d’échange pour étudiants et la mobilité pour l’emploi.

Importance de la langue anglaise dans le monde et en France

Aujourd’hui la langue de Shakespeare a pris une place prépondérante dans le monde entier, se hissant en tête de liste des langues étudiées et occupant la 3ème place – après le chinois et l’espagnol – en termes de langues parlées. En France, de plus en plus d’écoles primaires, voire maternelles, ont inséré dans leurs programmes scolaires des cours d’initiation à la langue anglaise pour les plus petits. Dans la plupart des écoles de commerce françaises, les cours sont dispensés exclusivement en anglais, qui est devenu une langue véhiculaire dans de nombreux contextes de la vie quotidienne. Il est d’usage désormais pour les touristes ou étudiants étrangers d’avoir recours à l’anglais dans les situations de la vie courante : pour faire des courses, demander une information, passer une commande au restaurant ou tout simplement discuter entre amis. Plus personne ne s’étonne de se faire arrêter dans la rue par un “Please, could you tell me where the bus station is?“.

Il est désormais admis que tout le monde doit maîtriser l’anglais pour s’épanouir professionnellement et socialement. Et pourtant, paradoxalement, si tout le monde baragouine ce qui est communément appelé du “franglais”, la France est souvent considérée comme le “mauvais élève” de l’Union Européenne en termes d’apprentissage de la langue anglaise. Une enquête européenne sur les compétences linguistiques, publiée en 2011 par la Commission européenne est sans appel : les Français parlent tous anglais, certes, mais un anglais incompréhensible de l’autre côté de la Manche.

Les difficultés de l’anglais pour un français

Les Français sont mauvais en anglais, c’est un fait, pas une fatalité. Il s’agit maintenant de tâcher de comprendre les raisons, multiples et variées, de ce constat, afin de déduire par quels moyens y remédier.

Tout d’abord, le système éducatif français est loin d’être parfait en termes d’enseignement des langues vivantes. Si dans de nombreux pays européens comme l’Allemagne ou la Suède, la priorité est accordée à l’oral, en France, l’accent est porté sur la grammaire et la production écrite. Ainsi un élève français se verra contraint d’apprendre des listes infernales de vocabulaire, des pages et des pages de théorie grammaticale et syntaxique, mais une fois immergé dans un pays anglophone, ce n’est pas en débitant à la perfection sa liste de verbes irréguliers qu’il parviendra à s’en sortir en cas de besoin vital (comprendre, s’il veut s’acheter un sandwich ou demander où se trouve Buckingham Palace).

Pour un Français, la prononciation anglaise est un enfer. A cela plusieurs raisons. Tout d’abord l’anglais et le français présentent un certain nombre de similitudes, à commencer par leur alphabet commun. Il s’agit là d’un cadeau empoisonné puisqu’il donne à l’apprenant français l’illusion de pouvoir appliquer les caractéristiques phonétiques propres à sa langue maternelle à la langue cible, à savoir l’anglais. Car non, la prononciation anglaise et française n’ont rien à voir. En français, on dispose de 32 sons et d’environ 250 manière de les transcrire. En anglais il y a plus de 44 sons et 1100 façons de les écrire. Cherchez l’erreur. Ainsi, difficile pour un français d’assimiler que “seat” et “sit” ne se prononcent pas de la même manière et qu’il est nécessaire d’insister sur la longueur du “i”, au risque de ne pas se faire comprendre. Un risque encore plus élevé quand la subtilité anglaise engendre des quiproquos : lorsqu’on raconte ses vacances à des amis anglais par exemple, il importe de ne pas se tromper entre “bitch” et “beach“, sous peine de passer pour un goujat !

Et pour ajouter à la difficulté, il se trouve qu’il existe dans le monde des dizaines d’accents anglais différents. Écoutez parler un écossais, un australien et un américain. Difficile d’imaginer qu’il s’agit de la même langue, et pourtant !

Une autre complexité pour l’apprenant français réside dans la prosodie, c’est-à-dire l’intonation et la modulation propres à une langue. Le système prosodique du français se caractérise par son absence d’accent lexical, ce qui, pour beaucoup d’étrangers, en rend l’écoute “agréable et reposante”. L’anglais possède en revanche une syllabe accentuée pour chaque mot, ce qui créé un rythme plus soutenu et extrêmement difficile à restituer pour un locuteur francophone.

Last but not least, une ultime difficulté très spécifique mais auquel tout français digne de ce nom a déjà été confronté lors de son apprentissage réside dans la prononciation des fameux “voiceless” /θ/ (thing) et “voiced” /ð/ (this). Qui n’a jamais été repris par son professeur d’anglais : “Non, ‘zis fing’, ça ne ve veut rien dire !”. La raison de ce problème est tout simplement que ces sons ne sont pas naturels pour nous, les produire nous coûte un effort langagier car ils ne font pas partie de notre répertoire phonétique.

Comment remédier à ces difficultés ?

Somme toute, l’anglais n’est qu’une langue à apprivoiser. Il suffit de comprendre comment elle fonctionne pour apprendre à l’aimer. On peut la comparer à un instrument de musique un peu étrange, un peu sauvage, proche et différent à la fois de ceux sur lesquels nous avons l’habitude de jouer. Il faut l’observer, le polir, ne pas s’effrayer de ce qui au début nous semble être des fausses notes. S’amuser de ses sons qui parfois nous paraissent un peu grinçants, apprendre à en apprécier les différences, se les approprier. Beaucoup de pratique et de curiosité sont nécessaires pour le maîtriser mais le jeu en vaut la chandelle.

Une des clés pour améliorer le niveau global d’anglais chez les Français réside en l’introduction d’un programme spécifique dès le plus jeune âge. En linguistique, le facteur de l’âge dans l’apprentissage d’une seconde langue est considéré avec énormément d’attention. La théorie d’une “période critique”, selon laquelle les enfants de bas âge auraient de plus grandes facilités à apprendre une langue a d’ailleurs été approuvée par de nombreux spécialistes en la matière. L’idée est que l’apprentissage de la langue est comme un entonnoir : jusqu’à un certain âge, l’enfant est capable de percevoir et donc de produire tous les sons de toutes les langues. En grandissant, l’effet d’entonnoir se produit. Le répertoire phonétique se réduit jusqu’à ne plus laisser passer que les sons propres à la langue maternelle ou à l’environnement de l’enfant. Plus l’apprentissage de la langue est précoce, plus l’effet d’entonnoir est diminué, c’est pourquoi the sooner the better !

Vous êtes déjà adulte et vous ne parlez toujours pas anglais ? Pas de panique, s’il est plus difficile d’apprendre une langue passé un certain âge, cela demeure tout à fait possible !

L’exposition à la langue est un critère qui joue énormément dans sa maîtrise. Si la théorie est bien entendu nécessaire à la bonne connaissance d’une langue, l’exposition langagière joue le rôle le plus important. Depuis une vingtaine d’années déjà, de nombreux programmes d’échange ou d’accueil proposent des séjours en immersion aux collégiens et lycéens français. Malheureusement, bien souvent ces derniers reviennent chez eux, en ayant certes appris des dizaines de gros mots et injures en anglais et avec plein de nouveaux copains français rencontrés sur place, mais concrètement il est rare que ce genre de séjour génère un réel apport linguistique. Il est en revanche prouvé que les séjours en immersion totale sont extrêmement bénéfiques en ce qu’ils permettent une progression fulgurante et durable. Si vous n’avez pas la chance de pouvoir partir à l’étranger, commencez par vous plonger dans le bain linguistique (et culturel !) en lisant des œuvres non traduites et en regardant des séries et des films en anglais en version originale. Outre l’apprentissage d’un vocabulaire spécifique et général, c’est ainsi que se formera votre oreille et que s’aiguisera votre curiosité.

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