Adieu à la terre
Il avait quitté son mas, son champ de dahlias rouges et de colchiques rosés, ses (ces) bosquets et prairies parfumés où il aimait accomplir
de longues balades. Désormais, il ne remplirait plus sa vieille besace
de pommes de pin tombées au sol, d’amandes sauvages, de champignons charnus. En effet, il avait, sans un remords, abandonné sa
terre d’adoption pour retourner à la ville d’où il était parti il y a quelques décennies de cela.
(Fin de la dictée des cadets.)
Quelle volte-face (volteface) inattendue ! Depuis des années, avec
une constance dépourvue d’ambiguïté (ambigüité), Georges avait investi dans sa ferme à fonds perdu(s) et, quoiqu’il fût nouveau sur ces
coteaux provençaux, ses rares voisins pensaient avoir affaire à un
paysan passionné, profond, opiniâtre, peu exubérant, qui finirait par
faire fructifier des terres sèches que nulles alluvions ne nourrissaient. Récemment, sur ces (ses) arpents qu’étaient censés avoir enrichis l’engrais et l’arrosage fréquent, il n’avait obtenu que de maigres
récoltes.
Certains raillaient son amateurisme.
– De même qu’on ne fait pas sauter les culs-de-jatte en hauteur, on
ne transforme pas un citadin en paysan !
(Fin de la dictée des juniors.)
Le vigneron répliqua :
– Votre explication ne me convainc pas. Je ne crois pas qu’aucun
agriculteur en ait jamais fait autant. S’il n’avait engagé aucuns
frais, j’admettrais que Georges se détourne, qu’il voie une autre solution, qu’il acquière vite un appartement en ville. mais lui…
Quels que soient, quelque obscurs qu’aient pu paraître (paraitre),
aux esprits gourds des villageois, les méandres de sa pensée, le résultat était là : Georges partait et laissait quelque trois mille ares derrière lui. Adieu pénates adorés ! Adieu coteaux ! Adieu effluves embaumés de la mer !
Certains assuraient que sa femme l’avait découragé. Celle-ci n’avait
pas la cote, manquant de thuriféraires et multipliant les sycophantes. Le jour des au revoir, sous les myrobolans mirobolants (mirobolants myrobolans), peu importait que Georges flânât ou qu’il se hâ-
tât, les yeux des voisins se dirigeaient vers son épouse. Tout heureuse, toute couverte de soie dorée, perchée sur de hauts talons fuchsia, elle s’était frotté les mains en public, s’était laissée (laissé) aller à
chantonner à tue-tête, et s’était même crue autorisée à klaxonner le
long du chemin.
Cependant, les plus subtils se demandaient encore : pourquoi ?
ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT
Principales difficultés:
1- mas : on prononce le « s » final.
2- dahlias : noter le « h ». Dahlia est un nom commun masculin qui, ici, est au pluriel car un champ contient forcément plusieurs dahlias...
3- colchiques : attention « colchique » est masculin, donc « rosés » s'accorde au masculin pluriel !
4- bosquets : noter la terminaison en « et ».
5-parfumés : « parfumés » est un adjectif qualificatif épithète qualifiant le groupe nominal « ses bosquets et prairies », masculin (le masculin l'emporte sur le féminin) pluriel.
6- balades : ne pas confondre « balade » (promenade) et « ballade » (pièce musicale).
7- remplirait : verbe « remplir », du 2e groupe, conjugué à la 3e pers. du sing. au présent du conditionnel (radical de futur avec terminaisons d'imparfait).
8- remords : même au singulier « remords » prend un « s ».
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