Un train peut en cacher un autre
Sur une place londonienne dûment clôturée pour la circonstance, de nombreux
badauds se sont agglutinés pour regarder un spectacle des moins banals : sur un
circuit composé de deux rails parallèles en fonte circule une machine bizarroïde
qui crachote par sa haute cheminée une fumée gris-noir. Moyennant finance,
tout un chacun peut s’installer à bord des chariots qu’on lui a accolés. Nous
sommes au début des années mille huit cent et cette attraction attirera moult
curieux pendant deux mois. son astucieux inventeur, qui a placé sur quatre roues
la machine à vapeur imaginée par Denis Papin et perfectionnée plus tard par
James Watt, espère trouver grâce à ce prototype des investisseurs susceptibles
de financer ses recherches. mais vu les défaillances des rails, il ne convainc
personne. a Stephenson reviendra, une décennie et demie plus tard, l’insigne
honneur de faire circuler le premier chemin de fer avec voyageurs qui rendra
caducs les convois à traction hippomobile.
Un bon demi-siècle plus tard, les nombreuses améliorations que des ingénieurs
hors pair ont apportées au train en ont fait un moyen de locomotion sûr, mais des
plus inconfortables, tant on y est ballotté. Un industriel belge se met alors à
rêver d’un train grand luxe traversant l’Europe de Paris à Constantinople, qui
offrirait un hôtel roulant à de richissimes voyageurs. Il s’attelle à la tâche et
conçoit, en s’inspirant du fabricant américain Pullman, des wagons-lits formés de
compartiments convertibles le jour en salons cosy. Il imagine aussi un wagon-restaurant
richement décoré de marqueterie, de velours et de maroquin où l’on
servira une cuisine raffinée. Inauguré en mille (mil) huit cent quatre-vingt-trois,
l’Orient-Express, ce train de légende, vivra son apogée pendant les années folles,
vêtu de sa livrée bleu et or, avant de quitter la scène voilà quelque trente-cinq
ans.
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